C’est l’histoire de trois citrons bergamote, qui après avoir vu leurs frères disparaître dans un terrible curd, s’ennuyaient ferme sur le rebord entre la cuisinette et le salon. Un dimanche début mars ils me soufflèrent l’idée d’une tarte qui m’occupa toute la soirée… Si vous avez aussi ce genre de garnements comestibles à portée de main, suivez cette recette et vous en viendrez à bout  !

La bergamote est un petit citron très doux et parfumé, mais aussi très riche en petits pépins. Hors de question donc de déposer les quartiers sur une pâte à tarte et hop ce serait vite bouclé ! Commencez plutôt à décortiquer vos citrons afin de séparer la pulpe du reste, dans des bols différents sans rien jeter sait-on jamais qu’une autre idée… Très vite, rendez-vous compte que cette opération minutieuse va vous prendre un certain temps. Installez-vous confortablement à une table, préparez une bonne playlist (ou empruntez la mienne) et reprenez la chirurgie.

Une fois passé de la figure 2 à la figure 3, ajoutez une cuillère à soupe rase de sucre blond, mélangez délicatement pour que chaque morceau ait sa part puis laissez-les vivre leur vie paisiblement.

Sortez un rouleau de pâte brisée du frigo, posez-le sans le dérouler à proximité de la pulpe des citrons.

Préparons maintenant la “crème” qui couvrira le fond de tarte. Pour cela, mixez ensemble 83 g d’amandes (100 g c’est très bien aussi, mais je n’avais plus que 83), 33 g de sucre blond (pour rester dans le thème du 3) et 52 g de beurre (5-2=3) à peine sorti du frigo si vous faites comme moi, sinon sortez-le un peu plus tôt cela évitera de devoir décoincer le mixer plusieurs fois. Le résultat n’est pas lisse, il reste du croquant, tant mieux !

Là, étonnez-vous de l’absence d’œuf dans votre réserve pourtant habituellement bien tenue ! Remplacez-le par “un peu” de lait de soja + trois pointes de couteau larges d’arrow root (ou de maïzena mais je ne promets rien…). Ajoutez aussi autant de farine, parce que le beurre est peut-être encore dur, mais une fois chauffé ça risque de fondre et d’être bien gras. Mélangez à la fourchette après avoir retiré la lame du mixer. Remettez du lait de soja et de la farine, ça ne peut pas faire de mal, jusqu’à ce que la texture vous charme. Pour le goût il manque encore quelques gouttes d’arôme naturel de vanille, d’amande amère et une cuiller de rhum. Remélangez. Gouttez pour la quinzième fois. Gardez-en quand même pour la tarte !

Préchauffez votre four à 180°C et demi, c’est à dire juste un peu après le trait du 180 parce que les fours ne chauffent jamais assez.

Cherchez partout le fond amovible de votre moule à tarte à fond amovible.

Le four est chaud. Abandonnez, prenez un cercle, une plaque en silicone et fabriquez un moule à tarte moderne et design. Réglez le cercle pour que les bords de la pâte ne soient ni trop hauts ni trop bas. Admirez le petit fronçage qui ne va pourtant pas durer.

Garnissez du mélange aux amandes, enfournez, surveillez. Surveillez. Surveillez. Quand les bords se seront effondrés, rattrapez-les pour en former de plus petits qui tiendront mieux. Enfournez. Surveillez.

Préparons, tout en surveillant le four, la “crème” à la cerise qui viendra se placer sur celle aux amandes. Je dis à chaque fois crème, mais celle-ci part plutôt sur l’idée d’une gelée fraiche et fruitée. Il vous faudra pour démarrer une feuille de gélatine (2g), du sirop de cerise (ou de grenadine, ou de cassis…), du lait de soja. Mettez la gélatine à tremper dans de l’eau froide quelques minutes. Gouttez le sirop et versez-en dans une poêle (à l’oeil, mais généreusement) ainsi que le reste du lait de soja (1L moins les deux tasses du chocolat chaud de la veille, moins ce qui est parti dans la crème qui est dans le four. Surveillez-là toujours ! Elle doit être cuite sans trop colorer, c’est une tarte pastel de fille qu’on prépare). Mélangez (à la fourchette car le fouet a fait de la polenta à midi, et qu’ici la vaisselle c’est le soir) sans faire chauffer. Gouttez. C’est trop sucré, je sais. Ajoutez un demi yaourt nature, mélangez c’est joli ça mousse. Gouttez. Ajoutez l’autre moitié du yaourt nature ça ne peut pas faire de mal non plus. Mélangez, faites mousser, puis portez à la limite de l’ébullition.

 

Ayez un doute sur la quantité de gélatine nécessaire pour figer tout ça. Ajoutez un saupoudrement d’agar agar (gélatine + agar agar, une hérésie vue dans Top Chef). Faites bouillir un court instant pour que l’agar agar soit activé, mais pas trop car ça reste du yaourt… Hors du feu faites-y fondre la gélatine et remuant bien. Si vous êtes synchro avec la cuisson du fond de tarte c’est parfait. Le mien a pris plus de temps…

Une fois le fond et la crème de base cuits, resserrez le cercle qui semble s’être élargi puis versez la future gelée à la cerise sur le premier ensemble. Idéalement rien ne déborde. Dans mon cas c’était presque parfait  !

La soirée est déjà bien avancée. Votre cher et tendre est affamé et le four toujours allumé. Préparez une salade de betteraves façon carpaccio super simple mais visuellement digne de Top Chef (oui encore) et faites chauffer une pizza surgelée. La tarte a tiédi, la gelée commence à prendre. Repensez aux citrons qui vivent leur petite vie, interrompez-le pour les disposer élégamment sur la tarte.

Constatez qu’ils ont laissé du jus dans le fond du bol. Réservez le tout au frais. Dînez.

Juste après ayez l’idée d’un caramel au citron (jus restant + sucre à l’œil, toujours généreux). Faites un essai, sans trop savoir combien de temps doit cuire un caramel, ça fait de jolies bulles sans colorer, arrêtons là. Versez “en filet” sur la tarte une fois sortie du frigo et décerclée et dépapiersulfurisée. Constatez qu’il y en a trop, amusez-vous à faire des petits bonbons de caramel citron avec le reste, cela décorera.

Remettez au frais un instant.

Quand le dessert ne peut plus attendre, servez de petites parts (les desserts sont toujours meilleurs le lendemain) et souriez.

Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup de petits enfants bergamote (juste après les petites étoiles)

*
*    *

En bonus, l’after de la recette, car la soirée était loin d’être finie…

Mes petits citrons bergamote étant bio et propres, j’ai préparé la vaisselle du soir, mis une playlist de jazz dans mes oreilles, et porté à ébullition dans de l’eau tous les “déchets” qui sentaient si bon : pépins, écorces et même peau des quartiers. J’ai commencé la vaisselle en laissant cette infusion parfumer ma cuisine.

Une fois la décoction filtrée, j’ai encore eu de la peine au moment de jeter les écorces, si jolies, légèrement cuites et dans lesquelles on pouvait croquer sans faire la grimace…  Je les ai triées du reste, remises dans la poêle avec leur poids en eau et en sucre, pour confire à feu doux et à couvert le temps de finir la vaisselle.

Et tellement plus longtemps encore. Car après la vaisselle et avoir constaté ma blessure de guerre au pouce droit (coupable : le cercle pendant la vaisselle !), j’ai rédigé la moitié de l’article (sur fond de blues)  avant de les arrêter. Elles resteront dans le sirop la nuit au moins… Je pense en couler une partie dans une plaque de chocolat, ce que je n’apprécie pas spécialement, pour me faire pardonner de l’idée finale du caramel qui n’a pas eu un franc succès auprès du deuxième dégustateur de la tarte. Verdict demain, sur twitter, parce qu’aujourd’hui j’ai battu ici des records de longueur !

Au passage, j’offre ma reconnaissance à quiconque refera ma recette en suivant les conditions, dont celle de porter un corset du début à la fin ce qui n’était pas précisé au début je le sais. J’en offre aussi un peu à ceux qui auront lu cet article en entier, même sans corset